Wyl Tsadokiel
Messages : 19 Date d'inscription : 27/07/2015 Age : 29
| Sujet: Prestation Elite 3 Lun 7 Nov - 20:12 | |
| Noir complet. Pas la moindre parcelle de lumière tandis que quelques notes de piano s'évanouirent dans l'air. Une mélodie triste et mélancolique se fit entendre tandis que, dans la pénombre, la silhouette de Mjöllnir, le Voltali qui accompagnait le rockeur depuis toujours, se déplaça jusqu'au centre de la scène et s'assit dos au public, à côté d'une quinzaine de mannequins qui eux-mêmes avaient été placés sur des bancs de bois relativement sommaires. Sur l'écran au fond de la scène, quelques lettres blanches se formèrent jusqu'à composer une vague inscription que le public reconnut rapidement comme étant une épitaphe.
IN MEMORIAM LIAM CURTIS
1946-2016
Pas de mots concernant la famille ou les amis, ni quel genre d'homme il avait été auprès de ces-derniers, malgré l'assemblée plutôt conséquente de mannequins présent sur la scène. Rien concernant ses actions. Personne ne saurait s'il avait été dans sa vie un patriote, un érudit, un paria. Rien qu'une épitaphe impersonnelle, ne comprenant qu'un nom et une date. Une personne sans histoire, parmi tant d'autres, qui ne laisserait aucune place à la postérité.
« C'est aujourd’hui que nous honorons le départ de notre bien aimé Liam vers notre Mur. »
Ce fut sur cette phrase, bien qu'ancrée dans une certaine contradiction avec ce qui était écrit sur le rétroprojecteur, qu'une voix pré-enregistrée s'éleva, et qu'une faible lumière éclaira un mannequin habillé d'une bure noire et d'une écharpe violette. Les inscriptions disparurent alors et un décor ressemblant à s'y méprendre à celui d'une église apparut à l'écran dans un fondu enchaîné, à quelques différences près ceci dit. En effet, si l'on oubliait les habits du prêtre qui ne ressemblaient pas à une religion connue du grand public, de grandes banderoles noires affichant un mur de briques doré entouré d'un cercle de la même couleur étaient brodés sur celles-ci, et à la place de ce qui ressemblait à un font baptismal, se tenait un grand cadre sur lequel se trouvait plusieurs militaires sous un drapeau ressemblant aux banderoles que l'on pouvait trouver dans l'édifice, avec, en majuscules d'imprimerie, le message suivant :
LA RELIGION AU SERVICE DU MUR ET DE NOTRE CHEF SUPRÊME
« Si nous ressentons tous une extrême peine pour la famille et les amis de notre camarade bien-aimé, car nous savons ô combien il est difficile pour un être cher de perdre un proche, nous devons cependant apprendre de la vie qu'il a mené. Liam était un homme bon, prêt à rendre service à son prochain, et un grand serviteur de notre fidèle patrie et de notre Chef Suprême. Même dans la mort, il sera une inspiration pour nous tous, car l'étincelle de vie qui lui a été donnée par notre Créateur s'est changée en une force inépuisable qui ira rejoindre notre Mur et qui saura nous protéger de la Guerre et de la Mort, ces créatures qui sévissent au-delà de notre contrée et qui menacent à tout moment de nous envahir. En fin de compte, il sera une autre brique dans ce Mur qui protégera notre Chef Suprême ainsi que la génération suivante, qui à son tour le protégera comme il les aura protégé de la menace extérieure. »
Tandis que la voix du prêtre mannequin s'affaiblit et que son sermon devenait à peine compréhensible pour l'oreille humaine, un autre projecteur éclaira faiblement le Voltali, et la voix sanglotante de son doubleur se fit connaître du public au même instant. Ce n'étaient cependant pas des sanglots particulièrement audibles. En fait, il donnait l'impression de vouloir se faire entendre le moins possible, comme s'il ne devait pas montrer à quel point la tristesse était présente dans son cœur.
« Non… » murmura-t-il. « …Il n'était pas comme ça. »
Les dernières notes de piano résonnèrent, puis la salle replongea aussitôt dans l'obscurité, le temps de ramener les bancs et les mannequins vers les coulisses, à l'exception de quelques-uns qui restèrent parsemés ça et là sur la scène. Des bruits de pas diffus un peu partout dans la salle se firent entendre, puis des coups sur des portes, des cris d'enfants et des voix plus adultes. « C'est l'heure d'y aller ! » disait l'un. « En rang deux par deux ! » s'écriait un autre. Ces deux phrases furent celles qui furent sans doute le plus répété de tout l'enregistrement, énoncé par une vingtaine de personnes différentes, le temps que le rétroprojecteur affiche cette fois-ci les faubourgs d'une cité industrielle, composée de maisons de briques exactement identiques, où les drapeaux et les banderoles précédemment vus dans la prestation étaient à présent affiché à la fenêtre ou sur le pas de la porte. Éclairé par les projecteurs, Mjöllnir se fondait dans la masse, déambulant ça et là sur la scène, tandis que les paroles du prêtre réapparurent dans les enceintes de la salle, cette fois empreintes d'un haut niveau de réverbération pour dire au public qu'il s'agissait d'un flashback.
« En fin de compte, il sera une autre brique dans ce Mur. »
Il secoua la tête avec véhémence et marcha d'un pas plus décidé.
« Il se foutait de ce mur. » déplora son doubleur, sans pour autant sangloter comme il l'avait fait plus tôt dans la prestation. « Il se foutait du Chef Suprême. Il faisait tout comme il le voulait. Il lisait, il regardait, il écoutait. On peut pas en dire autant de ces gens-là. Si encore on peut les appeler des gens. »
Les voix de tout à l'heure s'amplifièrent et continuèrent, et se répétèrent en boucle jusqu'à former une masse informe et insupportable.
« Ce ne sont pas des gens. » fit-il, la voix emplie de dédain. « Ils sont tous pareils. Alors que lui… il était quelqu'un. Est-ce qu'il y a quelqu'un là-dedans, maintenant ? »
Le bruit continua pendant une vingtaine de secondes, puis la voix d'un petit enfant se démarqua du reste de l'enregistrement.
« Moi, plus grand, je veux être pompier ! » s'exclama-t-il avec enthousiasme. « Moi aussi je veux brûler des livres pour le Chef Suprême ! En plus, c'est joli les feux ! »
La bouche du Voltali s'ouvrit, choqué par quelque chose d'aussi horrible à ses yeux. Il se sauva en coulisses, tandis que le doubleur continua sa soliloque dans une colère sourde.
« Non. Il n'y a plus personne. »
La salle s'éteignit de plus belle, tandis que le rétroprojecteur fit disparaître l'image à l'écran avec un autre fondu enchaîné. A la place de ce paysage triste et oppressant, apparu un dessin relativement bien réalisé, accompagné d'un piano aux notes à la fois joyeuses et nostalgiques. On y voyait Mjöllnir couché aux côtés d'une silhouette que l'on ne pouvait pas distinguer, mais qui, si l'on suivait le fil de l'intrigue, pouvait être identifié comme étant la personne qu'il avait perdu il y a peu.
« C'est joli, n'est-ce pas ? » s'enquit la voix qui lui était attribuée, une personne devant avoir un peu plus de la soixantaine. « Je l'ai entendu dans un film alors je l'ai reproduit. Tu sais ce que c'est, un film ? Ces images qui défilent et qui racontent une histoire avec un immense réalisme ? Non, tu ne dois pas savoir. Ils ont sûrement dû tout détruire... »
L'image diffusée sur le rétroprojecteur en laissa place à une autre comme une page que l'on tournait dans une bande dessinée. A la place, on voyait le Voltali en train d'observer un livre d'images en compagnie de la silhouette, assise à côté de lui.
« Ce sont les paysages qu'on peut voir au-delà du Mur. » décrivit-il. « Ça, c'est une vallée. Il y avait plein d'animaux qui gambadaient et qui mangeaient de l'herbe par ici. On construisait même des villes dessus ! »
« Ça devait être bien. » s'exclama le doubleur de Mjöllnir. « Les gens ont l'air heureux. »
« La vie était plus dure que maintenant. On devait s'occuper des récoltes nous-même, estimer ce qui était bon ou non pour nous. C'est pour ça que le Chef Suprême est là maintenant, tu sais ? Il choisit ce qui est bon pour nous pour que nous n'ayons plus à le faire. »
« Mais… C'est justement ce qui est mauvais non ? »
« Bien sûr ! Mais le poids de la liberté peut être très lourd pour certains. On a une meilleure économie grâce à lui, et tout le monde a un toit et un travail. A l'époque, quand tout le monde n'était pas certain de pouvoir bien vivre, il y en a qui ont accueilli son arrivée avec beaucoup d'allégresse. C'est pour ça que nous en sommes là, aujourd’hui. »
Quelqu'un frappa alors à la porte d'un coup sec, presque violent, en fait. La surprise fut lisible sur le Voltali sur un autre dessin qui disparut rapidement pour montrer une main se poser sur sa tête.
« Tu devrais partir. » fit la voix de Liam, plus sérieuse. « Passe pas la porte de derrière. Et n'oublie pas : ne laisse personne empiéter sur ta liberté. »
« D'accord… »
Le dernier dessin montra la silhouette ouvrir la porte à une autre bien plus menaçante dont on ne voyait pas les contours du visage. Tout ce que le public pouvait savoir, c'est qu'il portait un costume chic, et que deux longs fils pendaient autour de lui.
Puis le film s'arrêta brusquement, laissant la salle dans le noir. Mais pas dans le silence le plus total. Car si les notes de piano s'étaient estompées, on pouvait encore entendre la voix du doubleur de Mjöllnir, ferme et décidée.
« C'est eux qui en ont fini avec lui. J'en suis persuadé. Et c'est en son nom et en celui de la liberté que j'ai décidé de partir. »
La salle se ralluma entièrement, et ce fut sur une immense muraille faite de briques en plastique que se tenait le Voltali. Elle n'était néanmoins pas assez grande pour surplomber les images diffusées sur le rétroprojecteur, qui montrait maintenant le prolongement de la bâtisse, mais aussi, en contrebas de celle-ci, une grande étendue d'herbe complètement vierge de toute activité. C'était cela que le Pokémon contemplait, le sourire aux lèvres.
« Alors tout est vrai. » s'émerveilla-t-il. « La vallée, les plaines, les forêts, la mer… Tout cela existe bel et bien. »
Powerwolf - Kreuzfeuer (Orchestral)
« Tout à fait. » s'éleva alors une autre voix, plus grave et plus suave que toutes celles qui avaient apparu jusqu'à présent.
Le Voltali fit volte-face, dos au public. Grâce à une échelle qui se trouvait derrière le faux mur de telle sorte qu'on ne la voyait pas au niveau de la scène, Kerrang, l'Elekable de Tony, se trouvait là, habillé du même costume que le dessin précédemment montré. De son mètre quatre-vingt, le monstre à l'allure simiesque observa le renard de tout le dédain dont il était capable. Mjöllnir recula lentement, afin que le public puisse admirer davantage la stature intimidante du nouvel arrivant.
« Vous… » dit son doubleur, le souffle presque coupé. « Vous étiez là quand il a ouvert la porte. »
« En chair et en os. » répondit-il, d'un calme olympien. « Puis-je savoir ce que tu fais ici ? Tu dois savoir que ce n'est pas une zone autorisée pour les citoyens de notre bienveillante cité. »
« Je vais quitter cet endroit ! Et reprendre ma liberté, comme je l'ai toujours voulu ! »
L'Elekable ricana et croisa lentement les bras. Son aspect posé couplé à sa carrure naturellement imposante lui donnait cet espèce de charisme menaçant, digne d'un chef que beaucoup suivraient probablement, par crainte tout autant que par respect.
« Je ne crois pas. » reprit-il, prononçant distinctement chaque mot. « Je ne peux pas me permettre de voir une affaire comme celle-ci s'ébruiter. »
Les deux fils rattachés à son corps s'échappèrent de la veste du Pokémon et s'élevèrent comme des tentacules, renforçant l'effroi qui émanait de lui. Le Voltali voulut reculer davantage, mais il s'immobilisa avant d'être levé de force dans les airs. Kerrang avait levé une de ses mains vers lui, et semblait, rien qu'avec sa main, pouvoir faire ce qu'il voulait de lui.
« Comment peut-on à ce point vouloir partir dans l'inconnu au nom d'un concept qui n'existe pas ? » se moqua-t-il avec suffisance. « On ne peut se détacher de son passé. Même si tu quittais cet endroit, que tu allais au-delà du mur, tu n'aurais pas les moyens de survivre. Le Chef Suprême t'a tout donné depuis ton enfance. Tu ne peux rien sans lui. »
« Je ne vois pas pourquoi je m'évertuerais à vous expliquer. » répliqua le doubleur du renard. « Vous avez l'air tellement sûr de tout que ça ne me servirait à rien. Mais c'est quelque chose qui se ressent, qui ne se commande pas. Cette volonté de faire les choses par et pour soi-même… Il n'y a rien de plus grisant ! »
Voyant que le Voltali était insensible à sa menace, l'Elekable le fit s'élever davantage dans les airs, au point qu'il était désormais à une dizaine de mètres du sol, désormais.
« Si tu y tiens à ce point, alors je t'écraserai sur cette terre que tu sembles tant apprécier ! »
Il se retourna vers l'échelle tandis que sa main se referma violemment, rompant ainsi l'emprise qu'il avait sur le renard qui commença son inexorable chute.
« KLOÏNG ! »
Une oreille avertie et ayant une connaissance approfondie du Dressage ou de la Coordination pouvait reconnaître à ce son que la chute était loin d'être mortelle pour le Voltali, voire même tout simplement brutale, son attaque ayant absorbé tout le choc possible qui aurait pu entraîner sa triste fin. Pourtant, Mjöllnir mit une petite dizaine de secondes avant de véritablement réagir et de se relever, mimant ainsi une créature se remettant difficilement d'une véritable chute. Il inspecta rapidement ses membres pour vérifier qu'il n'avait rien de cassé, puis contempla la muraille de toute sa hauteur avant de se retourner vers les coulisses et de lever la tête, un sourire aux lèvres tandis que les premières notes d'une guitare acoustique se firent entendre.
« Tu me surveilles, c'est ça ? » dit-il, presque dans un murmure. « Tu voulais à ce point que je réalise notre rêve ? Et bien regarde-moi, maintenant. »
Il se dirigea vers les coulisses et la salle s'éteignit une dernière fois, tandis que le rétroprojecteur montrait une photo de Mjöllnir marchant sur un sentier au beau milieu d'une forêt, baignant dans la douce lumière du soleil.
« Peu importe comment cela se termine. Je veux que ce jour marque le début de ma nouvelle vie. »
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